Pourquoi « biosourcé » ne suffit pas
Les matériaux biosourcés (bois, chanvre, paille, laine…) séduisent par leur origine renouvelable et leur potentiel bas-carbone. Mais « biosourcé » n’est ni un label automatique, ni une garantie universelle de performance : il faut des preuves (environnementales, sanitaires, techniques). L’objectif de cet article est de donner un cadre opérationnel pour éviter le greenwashing lors de la prescription.
A lire avec vos fiches techniques et vos données vérifiées (FDES/INIES).
1) Que signifie “biosourcé” au sens public ?
Les matériaux de construction biosourcés sont définis par l’État comme des matériaux partiellement ou totalement issus de la biomasse (végétale, animale, fongique, micro-organismes). Exemples : bois, chanvre, ouate de cellulose… et la laine pour les usages adaptés. Cette définition est actée dans les documents ministériels de référence. :contentReference[oaicite:0]{index=0}
Côté politique publique, la France encourage l’usage des biosourcés dans les bâtiments publics (Code de l’environnement, art. L228-4) et met à disposition une page ressource dédiée aux biosourcés/géosourcés.
2) RE2020 et commande publique : ce qui est réellement demandé
- RE2020 : la réglementation environnementale vise la baisse des impacts (énergie, carbone, confort d’été). Elle n’impose pas un matériau, mais encourage ceux qui améliorent les indicateurs (dont les biosourcés, via leur ACV). Références : le Guide RE2020 et les textes consolidés officiels.
- Commande publique : un guide ministériel explique comment prescrire des matériaux biosourcés dans les marchés (clauses, critères, preuves à exiger). Il précise qu’un certain nombre de produits disposent d’une FDES publiée dans INIES (la base nationale).
À retenir : dans le public comme dans le privé, ce ne sont pas des slogans (« biosourcé », « naturel ») qui font foi, mais des justificatifs (FDES vérifiée, essais normalisés, traçabilité).
3) Qualité de l’air intérieur : ce que montre le projet EmiBio
L’ADEME a piloté EmiBio pour évaluer les émissions des matériaux biosourcés (COV, aspects microbiologiques, hygrothermie).
Les résultats disponibles indiquent que sur les cas étudiés, les isolants biosourcés posés n’ont pas montré d’émissions spécifiques impactant la qualité de l’air intérieur ; les niveaux relevés étaient trop faibles et non spécifiques aux matériaux étudiés. Ces matériaux peuvent cependant contenir des additifs et être sensibles à l’humidité, d’où l’importance d’une mise en œuvre maîtrisée et d’un suivi qualité.
Concrètement : demandez les protocoles de mesure et les FDES associées aux produits. La revendication « biosourcé » n’exonère ni des vérifications COV ni d’une bonne conception hygrothermique.
4) Anti-greenwashing : la check-list de prescription
FDES vérifiée dans INIES
- Exigez une FDES (Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire) vérifiée par tierce partie et publiée sur INIES. La FDES est la carte d’identité environnementale du produit (ACV multicritère), utilisée pour les calculs RE2020.
Part de biomasse claire
- Le taux de matière biosourcée peut être indiqué dans la FDES/les docs techniques. Le guide ministériel de la commande publique explique comment exiger ces preuves.
Performances techniques prouvées (ex. acoustique)
- Pour des panneaux acoustiques, demandez des mesures en chambre réverbérante (ISO 354) et une notation αw / classe (ISO 11654). Ces références garantissent un chiffre comparable entre produits.
Qualité de l’air intérieur / émissions
- Vérifiez la présence de données d’émissions (COV, aldéhydes) et, si possible, des références à des programmes comme EmiBio ou à des mesures équivalentes.
Traçabilité & mise en œuvre
- Privilégiez les chaînes locales documentées (origine des fibres, circuits de transformation) et une notice de pose qui maîtrise humidité et durabilité. Les ressources publiques biosourcés/géosourcés en donnent le cadre.
5) Application aux panneaux acoustiques en laine française
Pour des panneaux biosourcés à base de laine, la démarche responsable consiste à :
- Publier une FDES INIES et tenir à jour les données ACV ;
- Documenter l’absorption via ISO 354 / ISO 11654 (αw et classe) ;
- Décrire la composition, l’origine (laine française), la traçabilité et la finition ;
- Fournir des éléments de qualité de l’air (mesures COV / retours d’expérience).
- Bonus : préciser le % de biomasse et les partenariats filière (collecte, lavage, feutrage).
Conclusion
Un matériau biosourcé n’est ni une promesse automatique ni un verdissement marketing. C’est un choix technique qui se prouve : FDES/INIES, mesures normalisées, qualité de l’air, traçabilité.
En suivant ce cadre, il devient possible d’allier impact environnemental maîtrisé et performances (acoustiques, thermiques, esthétiques), sans greenwashing.
Références
Définition & cadre public “biosourcé”
- ADEME — Dossier « Biosourcés : des matériaux aux multiples atouts »
https://librairie.ademe.fr/construction-batiment/2399-materiaux-biosources.html - Ministère — Matériaux de construction biosourcés & géosourcés (cadre public, définitions, liens)
https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/materiaux-construction-biosources-geosources - Code de l’environnement — Article L228-4 (commande publique & bas-carbone/biosourcé)
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043975115/2021-08-25
RE2020 (principes & indicateurs carbone)
- Présentation officielle RE2020 (objectifs, Ic construction / Ic énergie)
https://www.ecologie.gouv.fr/re2020
Preuves attendues : FDES & INIES
- INIES — Base nationale des données environnementales et sanitaires
https://www.inies.fr/ - INIES — Recherche de FDES/PEP
https://www.inies.fr/rechercher/
Commande publique & anti-greenwashing
- Guide ministériel « Matériaux biosourcés & géosourcés : cadre de référence » (intégration dans les marchés, critères, preuves)
https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/materiaux-construction-biosources-geosources
Qualité de l’air intérieur : projet EmiBio
- ADEME — Émissions des matériaux biosourcés (projet EmiBio)
https://librairie.ademe.fr/batiment/5813-7362-emissions-des-materiaux-biosources-projet-emibio.html - Cerema — Présentation du projet EmiBio
https://www.cerema.fr/fr/actualites/emibio-projet-recherche-emissions-materiaux-biosources - Cerema — Fin du projet EmiBio : isolants biosourcés posés et QAI
https://www.cerema.fr/fr/actualites/fin-du-projet-recherche-emibio-isolants-biosources-poses - CeremaDoc — Rapport final EmiBio
https://doc.cerema.fr/Default/doc/SYRACUSE/595876/emibio-emissions-des-materiaux-biosources-rapport-final
Normes & repères acoustiques (pour les salles d’enseignement)
- ISO 354 — Measurement of sound absorption in a reverberation room
https://www.iso.org/standard/34545.html - ISO 11654 — Sound absorbers for use in buildings — Rating of sound absorption
https://www.iso.org/standard/19583.html - ANSI/ASA S12.60 — Classroom Acoustics (brochure récap)
https://acousticalsociety.org/classroom-acoustics-architects/ - OMS — Guidelines for Community Noise (35 dB(A) en classe)
https://apps.who.int/iris/handle/10665/66217
Étiquetage COV (France)
- Ministère — Étiquetage des émissions de COV des produits de construction & décoration
https://www.ecologie.gouv.fr/etiquetage-emissions-cov-produits-construction-decoration - Décret n°2011-321 du 23 mars 2011 (Légifrance)
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023742169 - Arrêté du 19 avril 2011 relatif à l’étiquetage des émissions de COV (Légifrance)
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023845859
